portrait de moi
On devait écrire le portrait d'un proche. M. a fait le mien, il m'a beaucoup touchée, je te remercie meudame de me connaître plus que ce que je croyais...
Anne-Lise se démarque de la foule dense des étudiants de
l’université Jean Moulin. Le matin , elle évolue dans une masse pressée et
compacte pourvue des mêmes sacs Longchamp, des mêmes sacoches de cuir :
brushing, brillant à lèvre, pantalon slim et regards supérieurs, tous
identiques dans leurs éphémères uniformes, ils ne voient pas passer Anne-Lise.
Elle pourrait arriver de nulle part cette jeune fille, rien
ne trahit ce qu’elle est. Étrange mais pas bizarre elle sait se fondre dans la
foule en étant ailleurs, perdue. Anne-Lise possède un détachement feint par
beaucoup mais d’un naturel désarmant
chez elle.
Calme et mystérieuse, elle affronte l’air glacé du petit
matin dans son chaud blouson noir. Elle marche comme résignée, d’un pas lent et
mesuré, sans se presser elle avance. De loin, on voit une silhouette aux épais
cheveux courts décoiffés par le vent, tête baissée, écouteurs visés dans les
oreilles, androgyne. De loin seulement.
Si l’on s’approche, on peut voir un doux visage à la peau de lait rehaussée de
pommettes hautes et rosé par le froid, une bouche au sourire moqueur et de
grand yeux frangés de cils immenses. Ces yeux qui tranchent immédiatement avec
son visage poupin. Des yeux d’un vert inqualifiable qui reflètent toute la
complexité d’une âme en clair-obscur. Ses yeux captivent, étonnent et
séduisent. Son beau regard aux nuances changeantes reflète les maux qui
l’obsèdent et les joies qui la traversent, s’imprime dans la mémoire comme un
souvenir qui nous hante.
Tout est dualité chez la jeune fille aux yeux kaléidoscope.
De ses origines, un humour extraverti et bruyant fait surface, à base de
blagues potaches et de détournement en tout genre. On peut être surpris, alors,
par l’étrange pudeur qui l’envahit quand, au cours d’une conversation, on
parlera avec légèreté d’amour. De sa vie d’étudiante, elle semble subir une
routine qui la fatigue et l’ennuie tandis qu’a l’occasion d’une visite dans
sa petite ville, on voit Anne-Lise
enjouée et dynamique comme jamais. La raison en est la visite hebdomadaire à
ses compagnons d’infortune : Son cheval « Joueur » acheté à
un centre équestre peut regardant au bien-être des montures qui le laissait
dépérir sur le parking du club et « Rita » la chienne de la maison
familiale récupérée dans un refuge, abandonnée. Anne-Lise leur parle avec
enthousiasme comme à des enfants, les câline et les réprimande comme une petite
fille. Son cheval se plie à ses caprices, docile ? Loin de là. En vérité
Anne-Lise a la capacité de tisser un lien unique avec l’animal, un lien fort et
affectif sans jamais perdre pour autant le contrôle de la situation. Une
accalmie dans son univers parfois un peu trop sombre.
Son univers
musical est à la fois son exutoire et le
moteur de sa vie. Évoluant dans son monde de Rock , soirées enfumées et
alcoolisées comme passage obligé. Sa bande, son groupe de musicien avec qui
elle passe des moments privilégiés, fermés aux néophytes. Elle ne s’imagine pas
travailler dans un autre milieu, mais paraît parfois résignée à ne jamais
pouvoir atteindre son rêve le plus cher. Anne-Lise, prisonnière d’une
mélancolie latente écrit les illusions perdues, les rêves brisés et les drames
quotidiens qu’elle chante comme une plainte douloureuse. Sa voix est à son
image : d’une sensualité pudique, grave et douce, féminité à part,
adolescente et comme marqué par le poids de la vie.
Trop résignée, elle pourrait se perdre dans ses angoisses.
Cela n’arrivera pas, sans doute parce-qu’Anne-Lise grandit, et surtout
parce-qu’aujourd’hui elle affiche un
regard serein qui trahit un sentiment bien plus fort que tous ses maux.
Peu de gens prennent le temps d’observer, de comprendre,de
connaître. L’ambivalence d’Anne-Lise, tant sur le fond que sur la forme, tend à
prouver à quiconque que ce temps de l’observation et de la compréhension de
l’autre est salvateur. Car à trop se préoccuper de l’image que l’on donne de
soi, on oublie que l’on est qu’à travers les yeux qui nous regardent et que,
parfois, ces yeux sont habités par une
personnalité si riche que l’on en parvient à s’oublier un peu, en prenant le
temps.