Face au noir
Mois de décembre, il neige. Le pas rapide pour arriver à
l'objectif et ne plus avoir froid, tu avances sur le trottoir. Vitrines
illuminées, c'est bientôt Noël penses tu, un peu perdue avec ce rythme
de vie. tu sers le col de ton manteau et marches encore plus vite, te
faufiles dans une petite rue ou tu aperçois l'enseigne du pub où tu as
l'habitude d'aller. Pas grand monde dans cette rue. La porte grince
laissant échapper le son de l'intérieur, le gars te tient la porte
visiblement au téléphone. Un bref geste de la tête parce que tu as trop
froid pour répondre.
Bonne grosse chaleur à l'intérieur, tes épaules
se desserrent et tu redresses la tête. Du monde au bar, bande
d'habitués, on se connaît de vue mais personne n'ira plus loin qu'une
vanne lachée au hasard ou d'un bonsoir. Le barman te fait un petit
geste de la tête et t'indique que la table du fond est libre. Ta place
préférée, tu cours t'y installer, enlève ton manteau. Sachant où tu
allais, tu n'avais enfilé qu'un débardeur, forcement tu avais froid.
Plus
de bruit que d'habitude, la scène a été montée et ça joue depuis
quelques heures déja. Groupe de trois, des potes sont venus assurer la
distance scène-bar. Projos en pleine tronche, les gouttes sur le front
te font deviner qu'ils sont sur scène depuis une petite heure. Bref
coup d'oeil a ton portable, 23h17. Tu attendras un peu.
Alors que tu
regardes la scène et tape gentiment du pied le rythme effréné du solo
de ce groupe, un demi se pose sur ta table. Ça t'avais surpris la
première fois et puis ça t'avais touché. Le mec qui gère son truc et
reconnaît des habitués, en simple clients. Tu lève ton verre en sa
direction et bois a longues gorgées comme pour réchauffer doucement
tout ce qui est dedans. les yeux en direction du chanteur. Blond, un
peu trop mignon, la voix de bertrand cantat, mais ça colle bien au
décor. Sa voix se casse, naturellement, et tu aperçois deux filles, la
punk attitude entrain de baver dessus.
Ton demi est déja fini qu'un
petit verre rouge se pose devant toi. Cette fois tu cherches le regard
du barman d'un air perplexe. Il retourne derrière le comptoir avant de
te montrer un mec a l'autre bout du bar, face a toi. Il lève son verre
et le vide cul sec. Tu le fixes sentant clairement que d'içi 40s il se
sera ramené pour te lécher le cul comme ceux dans les autres bar. C'est
la première fois que ça arrivait içi, d'habitude tout le monde est
connaisseur du coin et te connaît toi alors y a pas d'embrouille, mais
ce soir, il y avait un nouveau et il allait sûrement te les casser.
Bingo
il se lève et à la démarche qu'il tient il est déja bien attaqué. Tu
prends son verre et le laisse arriver matant de nouveau la scène
pendant le speech du bassiste.
Il sent le whisky à plein nez alors
qu'il se penche vers toi pour hurler à ton oreille qu'il semble que
vous vous soyez déja vu. Tu lui fait face, petit air exaspéré mais poli
et te penche a son tour alors que le concert reprend. Lui explique que
tu fais de la musique et que donc il a pu te voir n'importe ou... Il se
redresse, réalisant la chose et avec un air a la fois gené et très con,
il comprend, et suite du programme que tu avais prévu un stylo déja a
la main, il sort un bout de papier, chèque déchiré en deux, qu'il te
tend en prononçant " christophe". Avant tu t'appliquais tout le long,
maintenant tu fais gaffe a ce que le nom reste lisible mais c'est
limite si tu ne fais pas une croix pour signer.
Enfin tu préferes
toujours ça a la prise en photo. Il te remercie, tu en fais de même
poliment, lui souhaitant une bonne soirée et vide ton shooter. La gorge
brûle un peu mais ça passe bien.
Tu le suis du regard alors qu'il
retourne s'asseoir et qu'il montre le bout de papier a ces potes puis
toi de l'index. A ce moment la, la porte s'ouvre, Ton rendez vous entre
dans le bar, un peu perdue par le monde, le bruit et la fumée, tu sais
que tu la mets mal a l'aise a lui fixer rendez vous içi, elle n'est pas
du tout dans son élément, et ça se lit sur ses fringues trop moulantes.
Un peu peinée pour elle, tu ramasses tes affaires et te décide a
l'emmener autre part. Après tout ça fait longtemps que vous ne vous
étés pas vues et ce n'est pas le meilleur endroit pour parler. Tu
laisses les 2,50 euros sur le comptoir, la rejoins et lui ouvre la
porte, le bonnet dans la bouche, les mains occupées a fermer ton
blouson. Tu fais un clin d'oeil qui remplace un " je me tire, a+" et
déja le froid se faufile a travers tes vêtements.